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Programme Colloque International - discours du president de la CGEM

Hôtel SHERATON Casablanca, 31 Mai 2011

DISCOURS DU PRESIDENT DE LA CGEM

M. Mohamed HORANI

 

Mesdames et Messieurs,


Dans une acception large, le gouvernement d’entreprise représente l’organisation du contrôle et de la gestion d’une entreprise et couvre notamment :
  • L’organisation, les fondements, les droits et les responsabilités de l’assemblée générale et organes de gouvernance
  • Les règles de nomination des dirigeants et administrateurs
  • La gestion des éventuels conflits d’intérêt
  • L’organisation du contrôle
  • Les droits et responsabilités des autre parties prenantes (capital humain,  créanciers, clients, fournisseurs)
  • La politique de communication financière et investor relations

De façon plus étroite, la gouvernance d’entreprise est utilisée pour désigner l’articulation qui existe entre les actionnaires et les dirigeants de la société et, dans cette optique, le rôle et le fonctionnement du conseil d’administration ou du conseil de surveillance jouent un rôle central.

De plus en plus, il est admis que la gouvernance d’entreprise repose sur l'ensemble des mécanismes et des procédures qui encadrent les décisions de création et de répartition de la valeur. C’est pourquoi les codes de bonne conduite ou de best practice(1) connaissent un succès mondial depuis une décennie environ et retiennent de plus en plus l’attention des pays et des entreprises.

Pour les pays, un dispositif de gouvernance d’entreprise de qualité développe la confiance et la stabilité des marchés, encourage des flux d’investissements internationaux et nationaux et favorise l’emploi, la croissance, la création de richesse et le bien être des populations.

Pour l’entreprise, un bon système de gouvernance d’entreprise permet de :

  • Améliorer sa performance, sa compétitivité et sa valeur à long terme.
  • Optimiser l’accès au financement et de réduire le coût du capital.
  • Renforcer la confiance des investisseurs et des bailleurs de fonds grâce à la transparence, à la qualité de l’information financière et extra-financière et au traitement équitable des actionnaires nationaux et étrangers, majoritaires ou minoritaires.
  • Consolider le capital réputationnel et la confiance avec les parties prenantes (clients, actionnaires, employés, créanciers, administration…).
  • Favoriser une transmission sécurisée de l’entreprise (succession, ouverture du capital, cession globale…). Ceci est particulièrement vrai pour les PME et entreprises familiales.

Conscient de l’importance de tous ces enjeux, le Maroc a rejoint le mouvement en faveur des codes de bonnes pratiques de gouvernance d’entreprise et une Commission Nationale Gouvernance d’Entreprise résultant d’un partenariat public-privé a été instituée en février 2007 avec comme objectif d’élaborer et de diffuser un corpus de règles et de recommandations à destination des opérateurs économiques. C’est ainsi que, dès mars 2008, un code marocain de bonnes pratiques de gouvernance d’entreprise a été publié et a été enrichi respectivement en décembre 2008 et en avril 2010  par un code spécifique aux PME et entreprises familiales d’une part et par un code dédié aux établissements de crédit d’autre part.

Ces travaux ont été complétés très récemment par la rédaction d’un draft relatif aux bonnes pratiques de gouvernance des entreprises et établissements publics.

Le thème du colloque de ce jour « La gouvernance d’entreprise : levier de la performance » nous amène à nous poser la question suivante : « Une bonne gouvernance d’entreprise permet-elle de créer de la valeur ? ».

Une première réponse à cette question est apportée par un sondage réalisé par MCKINSEY auprès de 201 investisseurs institutionnels dans 31 pays gérant 2 trillions de US Dollars d’actifs qui a fait ressortir que ceux-ci étaient prêts à payer plus cher les actions d’une entreprise avec une bonne gouvernance d’entreprise. La prime est modeste dans des pays où l’environnement juridique offre déjà une bonne garantie aux investisseurs (12% - 14% en Europe et en Amérique du Nord). Elle est très significative pour les pays émergents (30% en Europe de l’Est et en Afrique, 41% pour le Maroc). De plus, la gouvernance d’entreprise constitue un critère d’évitement des entreprises ou encore des pays.

D’autres travaux établissent une corrélation entre bonne gouvernance et bonne valorisation de l’entreprise :

  • Gouvernance d’entreprise et baisse coût capital
  • Gouvernance d’entreprise et accroissement de l’EVA
  • Gouvernance d’entreprise et rendement des fonds propres (ROE)
  • Gouvernance d’entreprise et rentabilité des investissements (ROI)
  • Gouvernance d’entreprise et rendement des actifs (ROA)
  • Gouvernance d’entreprise et volatilité des actions.

La question de l’appréhension de la valeur ou encore de la mesure d’une pratique de gouvernance est d’autant plus importante que se développe aujourd’hui dans le monde une pratique de notation de la gouvernance des entreprises susceptible d’influencer l’attitude d’investisseurs particuliers vis-à-vis d’une entreprise et, par voie de conséquence, la disponibilité et le coût des capitaux que les dirigeants sont en mesure de lever pour le financement de leurs projets. Les échelles de notation  se réfèrent en grande partie aux recommandations émises dans les codes de gouvernance notamment au regard de la composition, de la structure et du fonctionnement du conseil d’administration. Les clients des services de notation (Governance Metrics International, S&P, ISS, Deminor…) sont pour la plupart aussi les promoteurs les plus actifs du discours sur les « best practice », à savoir les investisseurs institutionnels ou des entreprises soucieuses d’accéder aux capitaux gérés par ces investisseurs.

Ce jugement des pratiques de gouvernance à l’aune du critère de création de valeur exige de bien comprendre la façon dont la gouvernance agit sur le processus de création de valeur. D’un point de vue financier, le principal vecteur de création de valeur concerne le choix et la mise en œuvre des projets d’investissement et, dans ce processus, le dirigeant joue un rôle central et pèse de façon significative sur la sélection des investissements ; c’est en raison de cette position privilégiée des dirigeants au centre du processus de création de valeur que les pratiques de gouvernance, dont l’objet est justement l’encadrement de l’action des dirigeants, ont potentiellement un impact sur la création de valeur.

Le conseil d’administration peut, en principe, influencer l’action des dirigeants en matière de création de valeur de deux façons. Ainsi, l’étymologie du mot « conseil » laisse sous entendre que ce mécanisme de gouvernance est susceptible de jouer le rôle de facilitateur dans le repérage des meilleurs projets, aidant ainsi le dirigeant dans ses choix. Les administrateurs influencent potentiellement la connaissance du dirigeant et, donc, l’élaboration de la stratégie d’investissement.

L’autre rôle du conseil d’administration est d’assurer une fonction de surveillance ou de monitoring. Dans ce contexte, le conseil d’administration peut être considéré comme un véritable contre-pouvoir pour veiller à la juste répartition de la valeur créée entre les différentes parties prenantes (Capitalistes, personnel, Etat, consommateurs…).

Création et répartition de la valeur sont donc étroitement liées et constituent l’enjeu central de la gouvernance d’entreprise.

Ainsi, dans le prolongement de la publication des codes de bonnes pratiques de gouvernance d’entreprise, le Maroc a jugé utile de compléter son dispositif de gouvernance d’entreprise par la création de l’IMA le 3/6/2009 selon le modèle IOD ou IFA  dont la mission essentielle est de professionnaliser la fonction d’administrateur.

Le conseil d’administration constitue aujourd’hui le pivot central de la gouvernance d’entreprise et la gouvernance du conseil d’administration est une question de première importance.

Permettez-moi de vous partager ci-après quelques pistes de réflexions autres du conseil d’administration :

  1. Diversification de la composition du conseil d’administration : Certains conseils sont parfois endogamiques et cette situation se traduit par le cumul des mandats. Il faut donc faire « respirer » les conseils d’administration et les enrichir en les ouvrant à d’autres compétences : Diversité de compétences, féminisation des conseils d’administration, internationalisation des membres… C’est un objectif en soi car les  études montrent que la diversification des profils concourt à l’amélioration des performances de l’entreprise tout en traitant par ricochet la question du cumul des mandats et de la limitation des risques de conflits d’intérêt.
  2. Comités techniques : Audit / rémunération/ nominations / risques / gouvernance
  3. Administrateurs indépendants : On ne peut conduire de réflexion sur la gouvernance moderne sans s’interroger sur la présence d’administrateurs indépendants, sur leur poids et leur rôle dans les conseils d’administration. La composition du conseil d’administration doit donc être regardée dans son ensemble en veillant à un judicieux dosage de compétence, d’indépendance de jugement ainsi que d’expérience.
  4. Evaluation du conseil d’administration : Taille, composition, rôles et responsabilités, organisation, travaux, résultats, valeurs, réflexions stratégiques, reporting du management, gestion des risques, relations avec les actionnaires, RSE.

Si le dispositif actuel en matière de gouvernance d’entreprise à la fois sur un plan institutionnel, législatif et réglementaire est bien avancé, il nous faut être vigilant quant à l’assimilation, l’intégration et l’intériorisation des bonnes pratiques par les parties prenantes concernées.

Dans cette perspective, une attention tout à fait particulière doit être accordée à « l’esprit » de la gouvernance et à la manière avec laquelle les règles contenues notamment dans les différents codes vont être appliquées.

Il s’agit donc pour tous les acteurs concernés de se mobiliser individuellement et collectivement pour la promotion de la bonne gouvernance par « l’exemplarité » ou encore par « la gouvernance pratiquée ».

Nous nous félicitons de la réflexion de ce jour autour du thème « La gouvernance d’entreprise : levier de la performance » et nous vous assurons de la mobilisation des membres de la CGEM pour la mise en œuvre des bonnes pratiques de gouvernance dans leur processus de direction et de gestion.

Nous souhaitons plein succès à vos travaux et pour conclure, nous voudrions vous partager la citation suivante de J.J ROUSSEAU (HELOISE):

« Proposons-nous de grands exemples à imiter plutôt que de vains systèmes à suivre »
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(1) : Proposition d’un idéal pour guider la pratique

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